Passoires énergétiques, l’Europe est-elle à l’unisson ?

Passoires énergétiques, l’Europe est-elle à l’unisson ?

En matière de passoires et de rénovation énergétiques, l’Europe est-elle à l’unisson ? Agence Etoile vous emmène dans un rapide tour d’Europe des politiques énergétiques.

Une loi pour chaque pays européen…

Chaque pays européen parle un langage différent en matière de performances énergétiques : loi Climat et Résilience en France, plan Green Deal au Royaume-Uni, Superbonus 110% en Italie…

Des caractéristiques communes sont néanmoins partagées pour les DPE : affichage de la consommation d’énergie, système d’évaluation, durée de validité, recommandations.

Avec de grandes différences néanmoins dans :

  • L’expression de la consommation d’énergie
  • Les seuils de performance minimale et les étiquettes
  • La méthode de calcul (avec logiciel et/ou sur factures)
  • Le logiciel utilisé pour réaliser le diagnostic
  • La stratégie de rénovation élaborée à partir du DPE.

… et une belle cacophonie

La consommation s’exprime en kWh/m²/an en France. En Angleterre, c’est une échelle de 0 à 100. La classe C du DPE français équivaut à la classe B en Wallonie, à la classe E ou F au Luxembourg. Il y a 7 classes (de A à G) en France, 10 au Luxembourg, 12 aux Pays-Bas. Des critères sont ajoutés selon les Etats : émissions de gaz à effet de serre (GES), sources d’énergie non renouvelable, combustibles fossiles, etc. Aux Pays-Bas, des sous-catégories ont été créées (A++, A+++…).

Outre le mode de présentation, les calculs sont également disparates avec deux méthodes de calcul pour déterminer les performances énergétiques :

  • La méthode de la consommation conventionnelle (actuelle méthode 3CL dans l’Hexagone)
  • La méthode de la consommation réelle sur factures (supprimée en France en juillet 2021).

Difficile de s’y retrouver et impossible de faire des comparaisons entre les différents pays européens.

France : la dictature verte

La France se veut le modèle européen de la lutte contre les passoires énergétiques : gel des loyers des passoires thermiques depuis le 24 août 2022 et interdiction progressive de mise en location des logements les plus énergivores. Les logements extrêmement consommateurs d’énergie sont qualifiés d’ « indécents ».

L’Etat demande un effort considérable aux propriétaires et offre un accompagnement inadapté. Le DPE, la grande injustice.” déclare Michel Platero, past-Président Fnaim du Grand Paris.

Italie : vers les énergies renouvelables

Le législateur italien est beaucoup plus souple. Il a prévu que toutes les habitations construites ou rénovées depuis le 1er janvier 2018 doivent couvrir 50% de leur consommation avec des énergies renouvelables. Il faut calculer la valeur énergétique que chaque immeuble nécessite pour la production d’eau chaude ou de chauffage. Cette valeur étant déterminée, un système alimenté avec des ressources renouvelables est installé. Celui-ci doit couvrir plus de la moitié du besoin énergétique de l’immeuble (énergie éolienne, solaire ou géothermique).

Belgique : les « loyers chauds »

Le certificat de performance énergétique (CPE) est à la Wallonie ce que le DPE est à la France. Il classe les logements en catégories et est obligatoire à la location et à la vente. A partir des consommations énergétiques mentionnées dans le CPE, une extrapolation des frais énergétiques est réalisée.

Une grille de référence des loyers permet d’estimer le montant d’un loyer considéré comme correct en fonction du bien, de sa situation. En additionnant lesfrais énergétiques  au loyer indicatif, la valeur obtenue s’appelle le « loyer chaud ».

Cela incite le propriétaire d’un bien à faible performance énergétique à faire des travaux d’amélioration.

Allemagne : jusqu’à 75 000€ de subvention  

L’Etat allemand verse jusqu’à 75 000€ pour le coût des travaux de rénovation, le recours à un expert en efficacité énergétique et le suivi du chantier. Il est juste nécessaire d’être propriétaire d’une maison en Allemagne et d’y résider au moins quatre mois par an, pour recevoir les aides. Fiscalement, le contribuable allemand bénéficie d’un remboursement de 20% de ses dépenses (maximum 40 000€) sous forme d’un crédit d’impôt.

Espagne, un seul diagnostic obligatoire !

En Espagne, pas de dossier de diagnostic technique (DDT) comme en France, ni de restriction au droit de propriété.  il n’y a qu’un seul diagnostic devenu obligatoire depuis 2013, celui de la performance énergétique: Certificado de eficiencia energética

Grande Bretagne, le Green Deal

Le gouvernement britannique a mis en place le « Green Deal ». Une chaine d’intervenants, maitres d’oeuvre,  entreprises, organismes de financement, est labellisée “Green Deal”. Le financement des travaux est assuré par les intervenant. Il n’y a ni subvention ni avantage fiscal.

Le Green Deal affiche ses limites. Avec des taux d’intérêt supérieurs à 8 %, et sans autre incitation, il est clair que nos voisins britanniques n’ont guère d’engouement pour la rénovation énergétique.

Rénovation énergétique : est-ce efficace à long terme ?

C’est de Grande -Bretagne que vient le doute. Une étude réalisé par l’Université de Cambridge révèle notamment qu’une l’isolation des murs génère une économie d’énergie moyenne de 7 % dès la première année. Cette dernière décroît avec le temps – tombant à 2,7 % en moyenne la deuxième année.  Elle devient négligeable à partir de la quatrième année. Les travaux d’isolation des combles entraîneraient quant à eux une baisse de consommation de 1,8 % après un an, insignifiante dès la deuxième année.

Les ménages étudiés ont montré un relâchement quant à leur comportement vis-à-vis de l’énergie. Certains parmi ceux qui font attention à leur consommation de chauffage après travaux, ouvrent les fenêtres en hiver de leur logement, jugé désormais trop chaud.

Passoires énergétiques, l’Europe est-elle à l’unisson ? La réponse est non. Les politiques européennes  de la rénovation sont loin d’être homogènes. La loi est extrêmement sévère en France, allant jusqu’à l’interdiction d’augmenter les loyers ou de louer. Les autres législations  européennes sont beaucoup plus souples. La commission européenne en 2023 entend mettre de l’ordre dans les pratiques. Le risque est d’aller vers beaucoup plus de contraintes.

Espérons que les syndicats de professionnels immobiliers européens saurons parler d’une voix forte. La rénovation énergétique ne se décrète pas et doit s’adapter aux réalités techniques et économiques. 

André Perrissel

 

 

 

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